L’une des particularités des églises évangéliques dites de réveil est l’existence en leur sein d’une course tous azimuts aux titres dans laquelle excellent de nombreux serviteurs de Dieu consacrés ou auto-proclamés. C’est au début des années 2000 que nous avons constaté l’apparition de ce phénomène qui a fini par prendre de l’ampleur et atteindre aujourd’hui son apogée dans les églises dirigées et fréquentées par des sujets d’origine africaine.
Le Seigneur me dit de te dire que tu n’es pas pasteur, tu es un apôtre
Si, du côté européen, le plus courant est le titre de pasteur, du côté afro, la réalité ressemble beaucoup plus à un self-service. « On est jamais mieux servi que par soi-même », dit-on. Reçus dans le bureau d’un homme de Dieu dont la porte supportait l’inscription « Apôtre », à la question comment avez-vous fait pour devenir apôtre, l’intéressé nous rétorqua ceci : « Une fois, un pasteur est venu prêcher ici dans l’église, à la fin de son propos, il m’a dit : Le Seigneur me dit de te dire que tu n’es pas pasteur, tu es un apôtre ».
A la sortie de son bureau, il nous a semblé logique de nous demander ce qu’il adviendrait si une infirmière de passage lui disait qu’il est infirmier ? Et un garagiste ? Et un médecin porteur d’un message du même genre ? Il est vrai que l’Église est une institution ordonnée à laquelle Dieu a donné « les uns comme apôtres, les autres comme prophètes, les autres comme évangélistes, les autres comme pasteurs et docteurs, pour le perfectionnement des saints en vue de l’œuvre du ministère et de l’édification du corps de Christ ». Cependant, il semble maintenant évident pour des intérêts autres que ceux de l’Église, que certaines personnes s’offrent une liberté pleine d’orgueil.
Des grades à la carte
L’apôtre français Jean-Paul Bernadat, qui œuvre avec brio depuis 29 ans à travers le monde, est une exception bien justifiée. La propension à vite monter en grade ou à passer d’une appellation ecclésiastique à une autre est plus courante chez les Africains. Peu importe le pays où ils exercent. La concurrence et les comportements asociaux ont été transportés dans les églises par ceux qui portent leur croix. Et comme « le poisson commence toujours par pourrir par la tête », une foule de serviteurs se livrent une lutte d’influence et de positionnement sans merci.
A y voir de près, la recherche du prestige, la course au leadership, la quête d’un gain ainsi que la possibilité d’effacer l’échec scolaire, académique ou social sont les principales raisons de cette main basse sur les titres. Ainsi, les impétrants francophones ont d’abord emprunté des noms anglophones qui impressionneraient mieux les fidèles. Les uns ont opté pour se faire appeler Bishop. Ces derniers ont été ensuite concurrencés par les archibishops. Pendant ce temps, d’autres futés ont cru bon s’inscrire dans la nouvelle catégorie des prophètes des nations.
Cette ingéniosité en a inspiré d’autres qui se sont logés dans la classe supérieure des évêques, eux-mêmes aujourd’hui débordés par les généraux et les professeurs-docteurs. Belle revanche sur la vie et sacré tour de passe-passe par exemple pour les docteurs qui n’ont jamais mis les pieds dans un lycée ou dans une faculté. Comme quoi « tous les chemins mènent à Rome » ! Si tous ceux qui ont été précédemment cités sont situés dans la partie haute de cette hiérarchisation sacerdotale, cela bouge également dans les strates inférieures. On y trouve les frères et les bergers. En Europe, le phénomène des bergers fait particulièrement florès dans les églises congolaises en Allemagne.
Les femmes ne sont pas en reste
Les femmes ont également pris le train de la promotion accélérée. Les pasteurs se sont fait voler la vedette par une foule de prophétesses qui, elles-mêmes, viennent d’être surclassées par des consœurs inspirées par l’anglais : les révérendes. C’est parfois carnaval… Au point que nous avons pu découvrir un ponte d’une église en Suisse portant le titre bien étrange « d’apôtre du Sainte-Esprit », oui Sainte-Esprit. Dans certaines églises, l’auto-promotion fait suite à une insurrection que les insurgés justifient par le fait qu’il y a des leaders qui refusent ou tardent trop avant de consacrer leurs collaborateurs.
Mais dans l’ensemble, ce burlesque chrétien concerne la nouvelle génération de serviteurs. Les anciens tels qu’Olivier Derain au Burundi, l’Américaine Audrey Mack, le Congolais Jean-Bosco Kindomba ou encore le Français Jean-Paul Bernadat ne sont pas concernés par ce tango des derniers temps.
Ce faisant, ces agissements ne doivent pas perturber les croyants car ils avaient été prévenus au sujet de leur apparition. D’autant plus que l’essentiel réside dans l’annonce de la Bonne Nouvelle et non pas dans ces attitudes humaines incriminables. En tout cas, chacun devrait veiller sur sa propre conduite et méditer la déclaration de l’ancien premier ministre français, Pierre Mauroy, selon laquelle : « Si nous connaissions les autres comme nous-mêmes, leurs actions les plus condamnables nous paraîtraient mériter notre indulgence ».
Franck CANA
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