Livre Le malheur de vivre

En ces temps où on nous laisse entendre que le monde serait devenu un village planétaire, il est bon de souligner que la rencontre entre tradition et modernité offre parfois un spectacle désolant. A ce sujet, le beau livre que vient de publier Ndèye Fatou Kane, « Le malheur de vivre », nous amène au cœur du choc des cultures.

 

Jeune, belle, séduisante et fille unique du couple de commerçants Amadou et Mariam Bâ, à 20 ans Sakina Bâ qui poursuit des études supérieures en gestion à Paris a un bel avenir. En vacances au Sénégal avec ses parents, elle tombe amoureuse d’un coureur de jupons, Ousmane Wane. Sans pitié, ce dernier va petit à petit resserrer l’étau autour de la jeune fille folle amoureuse et prête à tout pour celui qui devient rapidement, à la grande surprise de ses cousines et de ses parents, l’homme de sa vie.

 

Ce roman fait partie de ces écrits roses, qui sont des histoires d’amour terribles. On se rend compte que l’auteure qui est née à Dakar connaît bien le modus vivendi de la jeunesse dakaroise et, bien entendu, Dakar by night. C’est dans ce dernier que les tourtereaux vont avoir l’habitude de se rencontrer. Beau parleur, le baratin de ce « Boy Dakar » va finir par convaincre les parents de sa belle de lui donner leur fille en mariage. Ça sera pompeux mais à la charge du couple Bâ.

 

Alors que la mariée ne vit plus que pour lui, le marié lui rêve de se faire du fric, des gonzesses et d’aller vivre à Paris, la ville de son cœur. Au regard de l’attitude de Sakina et celle d’Ousmane, on a une mise en lumière de la fragilité des sociétés africaines poreuses à l’immoralité venant des sociétés occidentales. Par amour pour leur fille, ses parents vont l’accompagner dans ses choix.

 

Si le contexte déroulé mène à la tragédie, la réussite de la romancière est d’avoir su insister sur les risques qui guettent la jeunesse lorsqu’elle ne parvient pas à faire la part des choses entre l’héritage culturel et les modes d’aujourd’hui. On imagine Ndèye Fatou Kane demander au lecteur si l’on peut tout se permettre par amour. Au fil des pages, l’amour tourne au drame. Une fois installée à Paris avec son époux, Sakina va vivre une véritable descente aux enfers, mais il est trop tard.

 

Comme l’annonce Cheikh Hamidou Kane dans la préface de l’ouvrage, on n’a pas envie de le refermer avant d’avoir lu son épilogue. Ce qui frappe encore dans cette belle écriture facile à comprendre et efficace est la mise en exergue remarquable de l’art et la manière de passer à coté de sa vie par amour.

 

Franck Cana

 

« Le malheur de vivre », de Ndèye Fatou Kane, roman, éd. L’harmattan, 171 pages, 19 euros.

 

Source : Mito revista cultural n°19 de mars 2015.

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